Parce qu’elle touche à la santé des hommes, à leur intégrité physique, à leur vie, la sécurité au travail ne peut pas être un sujet à traiter sur le même plan que les autres. C’est là, une évidence. Et il faudra le rappeler haut et fort, toujours, sans jamais faiblir. Pour résumer cette grande idée, je ne citerai qu’une phase courte, forte, limpide, exprimée par l’ancien Président du Groupe Total, Christophe de Margerie. Avant d’être victime d’un accident d’avion, causé par une défaillance humaine ou organisationnelle sur un aéroport russe, il aimait à rappeler cette petite phrase : « La sécurité prime sur tout le reste.». Tout tient ici. S’il n’y avait qu’une phrase à retenir pour parler de la sécurité, je propose de garder celle-ci, et je la répète : « La sécurité prime sur tout le reste.».
UN SUJET SUPÉRIEUR
La sécurité au travail est donc bien un sujet supérieur.
Pour une raison simple qui est que : « Rien ne vaut une vie ! »
Mais, le sujet n’est pas si simple et évident qu’il en a l’air. Que tout le monde soit d’accord sur ce point ne suffit pas. Car tout est fait, à chaque heure, à chaque minute, pour nous faire dévier de cette trajectoire : une maladresse d’organisation, une compétence qui manque, des bras qui manquent, des moyens qui manquent, la pression du temps, la pression d’un client, la chaleur, le froid, la fatigue, la routine… Il y a mille et un évènements capables de perturber le bon déroulé d’une tâche sans l’arrêter. Agir en sécurité nécessite une attention accrue, une grande énergie, de la compétence personnelle et collective. La sécurité est peut-être bien le seul sujet dans l’entreprise pour lequel un ouvrier, sans grade, sera autorisé à apostropher ou stopper net le geste ou la marche d’un grand patron en cravate ou du plus gros des clients de son entreprise, au cas où celui-ci viendrait à s’affranchir d’une règle de sécurité. Face au danger, un ouvrier et son patron ne seront plus que deux hommes. L’un pourra sauver l’autre. La hiérarchie n’est plus. Si elle ne compte plus dans un sens – de l’ouvrier vers le grand patron - alors bien évidemment elle ne devra pas exister non plus dans l’autre sens - du haut vers le bas de la pyramide -. C’est une fondation sur laquelle tout le monde doit s’entendre. La sécurité au travail doit l’emporter sur toutes les autres considérations économiques et organisationnelles. Tout est question de mesure pourrait-on entendre ! Retenons simplement - et je force le trait - que quand la mort survient, toutes les circonstances qui auraient facilité la survenance de l’accident ou toutes les barrières de protection qui n’auraient pas été dressées au bon moment ne seront que des accélérateurs de larmes. C’est trop tard. Et le regret s’installe dans toutes les âmes. Si on avait su, on aurait fait autrement.
Organiser et assurer la sécurité des tâches est donc bien une question universelle et supérieure. Rien ne doit pouvoir justifier un manquement, à part celui d’un fléchissement humain. C’est donc bien sur ce dernier, que nous aurons à nous concentrer.
LA BIENVEILLANCE EN LOI
Le mot le plus important, l’idée la plus apte à protéger les individus est bien celle de la bienveillance.
Soyons clairs, la survenance possible d’un accident ne doit pas obséder. Elle doit néanmoins ne jamais nous quitter. Donc la précaution doit s’installer dans nos vies, la prévention doit s’installer dans nos pratiques quotidiennes, le plus naturellement du monde. Au lieu de penser protection, pensons bienveillance. Soyons bienveillants avec nous-même et avec les autres. Comportons-nous donc de manière à ce qu’il ne nous arrive rien. Pour être activement bienveillant avec soi-même, il conviendra d’acquérir la compétence de se protéger. Cela ne s’invente pas. Et c’est seulement quand nous aurons, chacun, acquis la compétence de nous protéger nous-mêmes que nous pourrons ambitionner de protéger les autres. Être bienveillant, n’est pas un simple mot gentil, une simple déclaration d’intention. Être bienveillant, c’est donc bien une compétence à acquérir, particulière à son domaine professionnel mais aussi et surtout à la vie de tous les jours.
Car, croyez-moi, les frontières sont poreuses.
Si je résume, la bienveillance, ça se travaille !
L’ORGANISATION APLANIE
Pour que la bienveillance collective soit efficiente, la parole doit être libérée. Mais aussi et c’est impératif cette parole libérée ne doit pas générer, au sein de l’entreprise, de jugements intempestifs, mais plutôt, à l’inverse, de l’empathie. On se parle, on s’écoute, on comprend, on apprend, mais jamais on ne juge.
Alors, dans ce contexte, il apparaît, à l’œil nu, que l’idée même de la hiérarchie de l’entreprise pose problème. Comment ne pas prédire, dans le cas où un accident serait causé par une défaillance humaine, que l’événement en question ne se finira pas par des complications voire des sanctions. C’est immanquablement hiérarchique.
Je l’ai vécu. Alors que j’animais un comité de direction sur le management de la sécurité, sur un site industriel, un manager, victime d’un accident un an auparavant, avouait librement que si c’était à refaire, il n’aurait jamais déclaré l’accident à l’entreprise. Un long silence s’en est suivi, lourd de compréhension collective, lourd d’impuissance managériale.
Que retient-on ici ? Qu’en termes de sécurité, l’organisation doit être impérativement aplanie, la hiérarchie, mise de côté car elle bloque tout simplement la parole des hommes et des femmes, elle bloque les échanges libres et donc la possibilité d’éviter par exemple qu’un accident similaire ne se produise à nouveau.
Alors que dire de la sanction ? Est-elle à bannir ? La sanction devrait-elle subir le même sort que la fessée qu’on donnait jadis aux enfants ? Le débat est ouvert. Tout ce que l’on comprend ici est que la sanction est là en tout premier lieu pour protéger l’employeur. Pour protéger l’employé, il faudra s’y prendre autrement et forcer sa prise de conscience du danger dans lequel il s’est mis. Et notons d’ailleurs qu’il sera le mieux placé pour parler aux autres et prévenir de futurs dangers. Pour aider la sécurité au travail à rayonner, les pratiques hiérarchiques traditionnelles devront être mises de côté. Une conscience collective devra la remplacer.
UNE IMPULSION TERRAIN
La liberté de parole et d’échange entre tous doit être mise en scène.
Que faudrait-il créer pour que la parole soit libérée et constructive ?
Faisons un rêve !
Et si l’impulsion venait d’en bas. Et si l’initiative venait des hommes et des femmes sur le terrain, évoluant eux-mêmes dans des environnements à risques. Ce sont eux les premiers concernés. Ce sont eux les exposés aux dangers de leurs métiers. Ce sont eux les motivés au premier chef. Et, ce sont souvent eux d’ailleurs qu’on accuse de ne pas se protéger suffisamment. « Mais comment voulez-vous qu’on s’y prenne pour protéger des gens contre leur gré ? C’est impossible. » entend-on souvent, en réaction à l’immensité apparente de la tâche. C’est vrai !
Si un représentant des employés venait demain frapper à la porte de la Direction Générale pour dire que les employés avaient décidé de prendre en main eux-mêmes leur sécurité au travail, avaient décidé eux-mêmes que chacun d’entre eux allait devenir l’acteur de sa propre sécurité en organisant et en facilitant tout simplement le partage ente tous des vécus de chacun. Nul doute que le Directeur Général approuverait. Il ne lui faudrait peut-être que quelques secondes pour valider et encourager le projet.
Le partage des expériences et des erreurs est un vecteur de progrès formidable. Il est à encourager, sans nul doute.
Pardonnez-moi. Je vous pince. C’était un rêve.
Personne n’a frappé à la porte de la Direction Générale.
Mais ne faisons pas comme si nous n’avions jamais rêvé.
Ce rêve est possible. S’il ne vient pas d’en bas. Alors il viendra d’en haut. Le management a la possibilité aujourd’hui de poser les bases d’un tel dispositif. Il existe. Il est opérationnel. Son nom est QUOTES Sécurité. QUOTES Sécurité crée les conditions de l’échange libre entre tous pour accélérer la conscientisation des risques d’accidents. Il est à découvrir.